Le pourquoi du comment [Lexie]

Ce sont toujours de bonnes journées que tu passes à Pré-au-Lard, tu aimes l’ambiance qui règne dans les rues enneigées, ces lieux que tu regardes de tes yeux émerveillés et puis ces bièraubeurres que tu bois avec avidité. Tes joues ont pris une teinte légèrement différente depuis que tu es entrée aux Trois-balais mais qu’importe, tu aimes cette sensation et cette chaleur qui réchauffe ton petit cœur. Les mots s’échappent des bouches qui t’entourent, certains parlent de leurs dernières vacances, quand d’autres plus studieux décrivent leurs difficultés pour terminer leurs parchemins que vos enseignants ont demandés. Tu souris amèrement en repensant à tout ce qu’il te reste à faire, à tout ce dont tu ne pourras pas te défaire. Le problème c’est que tu te connais et tu finiras tout ça dans la nuit, avec pour seule compagnie le crépitement de la cheminée. Tu regrettes parfois, d’avoir gardé autant de matières, autant de choses que tu n’as pas envie de faire. Pourtant il le faut bien, si tu veux devenir quelqu’un.

En fin d’après-midi, ce sont les chaises qui reculent, faisant comprendre qu’il est temps de partir. Mais toi, t’as qu’une seule envie, c’est de retarder le moment où tu devras t’y pencher. Tu suis les autres, jusqu’au moment où tu t’apprêtes à sortir, ton œil attiré par une personne que tu reconnais bien. Un signe aux autres de la main, tu les abandonnes pour suivre ton propre chemin. Professeur Dio, ta directrice de maison. Tu aurais pu hésiter à la déranger, mais ce n’est pas le cas. Tu l’apprécies et tu te fiches bien de savoir si elle aussi, persuadée qu’il faut mieux forcer plutôt qu’être ignorée « Bonjour professeur, je ne pensais pas vous croiser par ici » Il fallait que tu la déranges maintenant, alors que tu avais tout le loisir de le faire au château. « Je pensais que vous étiez de ceux qui ne quittent jamais à Poudlard » Stéréotype même de l’image que tu avais des enseignants, de ces personnes tellement passionnées qu’elles en font leur métier. Toi aussi, tu aimerais avoir autant de passion, t’aimerais savoir ce que tu veux faire et surtout qui tu veux être. Et même si tu le dis pas, tu as un profond respect pour tes camarades qui le savent déjà. Tes yeux lorgnent sur la chaise face à ton enseignante, mais tu ne t’assois pas tout de suite, même si tu en meurs d’envie.

La page se tournait sans qu'elle ne la touche, parcourant du regard les lignes, comme si elle essayait d'en comprendre le sens caché, cherchant un mot, un nom qui lui serait familier, auquel elle pourrait se raccrocher. Il y avait quelques notions qui lui parlait. Il lui semblait avoir entendu parler de cette feinte par Akio, mais elle n'en était pas certaine. Son regard glissa sur la photo d'un joueur qui saluait la foule avec beaucoup d'enthousiasme, son souafle sous le bras, faisant un clin d'oeil au lecteur, avant qu'un joueur passe derrière lui, tape dans le souafle, le récupère et disparaisse de la photo, suivit par le bellâtre, laissant au lecteur une brève seconde pour observer le ciel grisâtre. Sur une photo en noir et blanc tout était en noir et blanc de toutes manières.

~ « Bonjour professeur, je ne pensais pas vous croiser par ici. »

Relevant les yeux du magazine, Louise rencontra le regard de Miss Lexie Rowle, plantée devant elle. A dire vrai, l'enseignante ne pensait pas non plus croiser d'élèves aux Trois-Balais à cette heure. D'ailleurs, elle y escomptait. Mais l'espoir n'était heureusement pas un moteur essentiel de sa vie, elle se contenta donc de fermer son magazine, laisser un doigt entre les pages pour ne pas perdre sa lecture, bien que ce qu'elle lisait ne l'intéressait que bien peu.

Miss Rowle ~ « Je pensais que vous étiez de ceux qui ne quittent jamais à Poudlard. »

Louise haussa un sourcil. Essayait-elle d'être désobligeante, de la complimenter ou d'étaler ses préjugés ? A dire vrai, la Dio n'était pas sûre qu'une de ces trois possibilités ne la satisfasse. Elle était même intimement convaincue du contraire. Avec un sourire poli, Louise croisa les jambes avant de répondre :

Louise ~ La professeure Diggory a heureusement été assez aimable pour me libérer de l'emprise du maléfice qui repose sur le personnel de Poudlard pour une petite journée. J'ai profité de ce petit moment de liberté pour accomplir le rêve de ma vie, boire une bierraubeurre en lisant un magazine de Quidditch, comme vous pouvez tristement le constater.

La maîtresse des Dio ponctua la fin de son ironique petit discours d'un petit haussement de sourcil frimeur, alors que l'amusement qu'avait provoqué sa propre tirade se lisait sur ses lèvres. Elle savait être une enseignante dure, ferme, et parfois ironique, mais il était rare qu'elle se laisse aller à une expression amusée après ce genre de réponses, elle gardait habituellement un visage froid, qui inspirait la crainte d'un "plaisante-t-elle ou pas ?". Mais effrayer la jeune Rowle n'avait pas vraiment d'intérêt pour cette fois, car s'il était faux que les professeurs ne sortent pas de Poudlard, il était, en revanche, bien rare qu'un élève vienne voir un professeur hors de cours, encore plus à Pré-au-Lard, sorte de petit paradis loin de l'autorité du château. Du moins, le croyaient-ils.

Louise ~ Peut-être pourriez-vous me faire oublier la petitesse de mes aspirations en m'expliquant ce que je peux faire pour vous, Miss Rowle ?

Tu ne tressailles pas quand elle pose son regard sur toi, pourtant tu aurais de quoi. Votre dernière conversation en tête à tête remonte à l’entretien pré-buse, examen où tu n’as pas brillé. T’en n’étais pas spécialement fière de tes notes, elle ne valait certainement pas la moitié de ce qu’avait obtenu Lucie, mais pour toi ça suffisait. Merlin merci, pour tes parents aussi. Alors, sans sourciller tu lui avais demandé d’arrêter la matière qu’elle enseignait, peu attaché à l’histoire d’autrefois, plus tournée vers ta propre réalité. Et joyeuse de t’alléger tu étais sortie de son bureau avec gaieté. Mais elle conservait sa place d’enseignante, puisqu’elle était toujours directrice de ta maison. Et plus que jamais tu voulais lui faire bonne impression, l’envie bien cachée qu’elle te regarde elle aussi avec admiration. Alors, quand elle hausse les sourcils après ta deuxième réplique, tu te dis que tu as peut-être parlé un peu trop vite. « La professeure Diggory a heureusement été assez aimable pour me libérer de l'emprise du maléfice qui repose sur le personnel de Poudlard pour une petite journée. J'ai profité de ce petit moment de liberté pour accomplir le rêve de ma vie, boire une bierraubeurre en lisant un magazine de Quidditch, comme vous pouvez tristement le constater » Tu saisis de suite l’ironie et esquisses un sourire en voyant un début d’amusement chez ton enseignante. Tu pourras bien te vanter de l’avoir amusé, mais aucune personne saine d’esprit ne te croirait. Ce n’était pas pour rien qu’elle était -et de loin- l’enseignante que tu préférais. N’est pas serpentard qui le souhaite.

En même temps, ton regard a suivi le magazine qu’elle te montre, tu grimaces en voyant qu’il s’agit de quiddicht, toi qui n’as jamais aimé ce sport, tu es satisfaite  à l’idée que tu la sors d’un terrible ennuie. Au moins, tu es persuadée que tu ne l’as pas dérangé. Finalement, elle semble se demander ce que tu fais là et ceux que tu lui veux. Et bien qu’avant d’ouvrir la bouche, tu ne le savais pas, maintenant tu es persuadée d’être là où il faut. « Ce n’était pas mon intention de rabaisser vos aspirations. » tu te demandes vaguement pourquoi tous tes propos sont souvent mal pris, mais la question à peine te traverse l’esprit que tu sembles déjà l’avoir oublié. En fait, tu te rends compte que tu tournes autour du pot et ce n’est pas vraiment ton genre, alors sans plus de cérémonie, tu t’assois face à elle, persuadée que sa question était une invitation. « Au contraire. » Tu laisses le suspens s’installer, amusé par la tournure des évènements. « Je me demandais si vous aviez toujours su que vous vouliez enseigner.  »  Fierté non dissimulée, tu poses ta question pleine d’ambition. Comme si tu avais enfin découvert comment atteindre ta propre voie. À croire que chez toi, la maturité ne faisait que commencer.

L'oeil perçant de la Dio jaugeait la jeune Serpentard qu'elle avait sous les yeux. La Rowle était un pari incertain pour la directrice de Serpentard, mu par la passion, les élèves finissaient soit en haut des plus grandes cimes, soit des miles plus bas, incapables qu'ils avaient été de grimper la montagne. Un coup de poker. Et Louise n'était pas à l'aise avec ce genre de manipulations, elle n'aimait guère rester dans l'incertitude. Sans doute n'aurait-elle accordé aucun intérêt à la Rowle si elle n'avait pas été le même genre d'élève. Avec de la discipline, elle avait su tirer parti de ses forces et ses faiblesses. Professionnellement parlant, son poste ne lui donnait pas beaucoup de pouvoir, mais cela lui offrait une influence certaine. Elle avait définitivement trouvé sa place, s'appuyant sur les sujets qui la passionnait pour servir sa famille, à défaut d'avoir le don des Dio. Tirer parti de chaque chose, voilà comment elle en était arrivé là. Mais la Rowle était différente. Aucun nom reposait sur ses épaules, elle ne risquait pas de diriger sa famille un jour. Alors, aurait-elle seulement le choix, la possibilité, de faire ses preuves, de briller, ou devrait-elle se discipliner ? En serait-elle seulement capable ou se perdrait-elle dans une volonté d'émancipation. A moins qu'elle ne devienne une simple femme au foyer. Ce serait bien sans doute le pire destin pour elle... et pour Louise.

Détaillant sa tenue jusqu'à la tenue d'une mèche de ses cheveux, observant chaque moue de ses lèvres, chaque fuite de son regard, Louise la regardant face à elle comme si elle l'avait invitée, provoquant un bref pincement de lèvres désapprobateur avant de revenir à un sérieux qui ignora la réplique qu'elle offrait à son propre amusement précédent. Ses aspirations échappaient à ses oncles & tantes McLeod, il y avait donc peu de chances que la jeune Rowle s'en approche. C'était sans doute mieux ainsi et il était souhaitable qu'elle ne souhaite pas les connaitre, sinon Louise lui promettait des décennies d'errance.

Le sujet était d'importance, sans nul doute. Sa présence à ses côtés à Pré-au-Lard le prouvait presque autant que sa volonté de s'installer à sa table. Louise n'était pas devin, mais elle prévoyait une longue discussion en perspective. Ses doigts quittèrent le magazine de Quidditch qui fut mit à l'écart sur le coin gauche de la table. Inutile de faire semblant, elle n'aurait aucun loisir à le lire, si futile soit-il, Akio soupirait encore de son manque de culture générale sur la question.

Miss Rowle ~ « Je me demandais si vous aviez toujours su que vous vouliez enseigner. »

De nouveau les lèvres de Louise marquèrent un nouveau pincement. Les mots avaient jaillit, déferlant, comme un tsunami voulant détruire un rempart l'entourant, dans son esprit. Si forts qu'elle avait presque dû les retenir. Je n'ai jamais voulu enseigner. Mauvais pour l'image, quel qu'elle soit. Ce n'était même pas que cela lui brûlait de le dire, comme si enseigner était un calvaire -ce qu'il n'était assurément pas- que l'amour de la réplique, l'amour de la provocation, le petit plaisir de voir l'étonnement sur son visage. Mais Louise s'était disciplinée pendant toutes ses années alors elle garda ce petit plaisir pour elle. Ses yeux se baissèrent alors qu'elle respirait profondément, résignée à offrir quelques réponses. Son éducation prenant le dessus, elle planta son regard dans les yeux de la Rowle pour lui proposer sobrement :

Louise ~ Est-ce qu'une bieurraubeurre vous conviendrait ou souhaiteriez-vous autre chose ?