heart seeker -- fiona.

La météo n’était pas des plus clémentes en cette période hivernale, mais rien qui aurait pu empêcher les Wood de mettre leur nez dehors. La cadette tout d’abord parce que la flamme du quidditch était plus fort que tout et son aînée et bien parce qu’elle n’aurait jamais raté une occasion de supporter, sinon surveiller, sa sœur préférée – l’unique mais préférée tout de même. Le ciel était terne, entièrement drapé de son écueil grisâtre et il n’y avait guère grand monde pour réchauffer les vieilles lattes éprouvées des gradins. Heureusement un sortilège maintenait les lieux à température acceptable pour que les quelques rares âmes égarées, du même acabit que celui de Fio, puissent au moins se rincer l’œil tout en restant dans une relative quiétude. Malgré tout, sans doute plus par automatisme que pour toute autre raison, Fiona ressentit le besoin de resserrer l’étreindre de son écharpe – à l’effigie de sa maison évidemment – autour de son coup gracile. En cet instant elle était toute absorbée à l’entraînement des serdaigles qui se déroulait sur le terrain. Aux échanges de cognard, parfois un peu trop malhabiles, tantôt trop brutaux au goût de la jaune & noir. Cette dernière se permit de grincer des dents lorsqu’une des acolytes d’Elvi fit mine de vouloir jouer des coudes avec cette dernière pour récupérer le souaffle. Bien qu’ils soient d’ordinaires tous de la même équipe, cela ne les empêchait pas de mette du cœur -pour ne pas dire de l’ardeur- à l’ouvrage lorsqu’il s’agissait de leurs entraînements réguliers. Fiona, qui ne ratait jamais une occasion de participer à l’une de leur réunions, bien au chaud dans ses tribunes, était la première à leur reconnaître cela : ils avaient le sens du travail bien fait. La persévérance en prime. On ne pouvait pas forcément en dire autant de tous les équipes de quidditch chaque année. L'aînée soupira, déposant son menton dans le creux de ses mains, les coudes posés en équilibre sur ses cuisses. Elle n’aimait pas trop ressasser ce genre de pensées peu productives mais néanmoins cela faisait un bien fou de pouvoir penser à autre chose qu’aux études, aux examens, et à cette ribambelle d’autres formalités dans lesquelles elle s’était engagée tête baissée. Une façon pour la sorcière de s’occuper l’esprit loin des incertitudes quant à sa vie de future adulte qui la rongeait chaque jour un peu plus. Il lui arrivait même parfois d’en venir à envier sa sœur cadette, pour cette toute petite année de plus qu’elle avait pour réfléchir à son avenir. Quoique, son avenir, il est tout tracé, songea Fiona tout en s’enfonçant un peu plus dans ses pensées noires. Et il était vrai qu’à voir Elvira aussi bien manœuvrer son balai aux quatre vents pendant le match ; il aurait fallu être aveugle pour ne pas reconnaître là les prémices d’une carrière professionnelle dans le quidditch. De quoi rendre fier n’importe quel membre de la famille Wood, Fiona la première - mais jalouse, un peu, aussi. Naturellement.

Au même moment un cognard, astucieusement orienté, alla finir sa course en plein dans le visage de la cadette Wood. Un élan de remord prit Fiona à la gorge tandis que le sang dans ses veines se glaçait. Cela lui fit l’effet d’une douche froide tandis que, d’un bond, elle se remit sur ses deux pieds. La vague d’air réchauffé magiquement et qu’elle provoqua dans ce mouvement accidentel lui gifla désagréablement les mollets. Fiona retint de justesse une plainte, de peur de déranger le jeu qui se poursuivit une seconde en contrebat, avant qu’une pause ne soit marquée pour qu’on puisse s’enquérir de l’état d’Elvira. Cette dernière n’était certes pas tombée de son balai, mais même de la hauteur à laquelle se situait Fiona, on pouvait aisément remarquer les traces rouges qui marbraient le bas de visage d'Elvi. Fiona râla, exprimant son désaccord en frappant l’air de ses bras à grand renfort de moulinets inutiles. Elle descendait déjà les gradins en enjambant les assises sans une seconde s’intéresser à la bienséance ni même à savoir si sa jupe réussissait à suivre la cadence sans dévoiler par intermittences un morceau de ses sous-vêtements - que Fio choisissait toujours avec grand soin. Fiona n’eu pas besoin de descendre beaucoup de rangées avant que sa sœur ne la rejoigne, aussi se contenta-t-elle d’attendre sa cadette lorsque cette dernière la salua. D'un geste qui laissait transparaître son mécontentement, la plus âgée des deux se rassie. Le temps qu’Elvira la rejoigne, Fiona avait déjà eu le temps de grincer des dents deux fois et avait entreprit d’enlever puis de remettre son écharpe en y ajoutant deux tours de plus et en nouant le tout d’un gros nœud papillon sur le côté. D'une façon un peu ridicule certes, mais qui avait le mérite de lui offrir une plus grande liberté de mouvement. Lorsqu’Elvira tenta de lui assurer avoir fait tout son possible pour éviter le cognard, Fiona se contenta de lever les yeux au ciel avec nonchalance. « C’est ça, oui. » Le rire maladroit qui suivit les dires d’Elvira suffit à crever l’abcès d’humeur noir qui s’était formé dans le cœur de son aînée. Fiona le savait bien que sa sœur n’était pas déraisonnable à ce point. Personne n'espérait être blessé pendant un match.

« — Tu m'donnes un coup de main ? »

Fiona opina du chef sans prononcer un mot. Avec des gestes qu'elle voulait doux, la demoiselle attrapa le menton de sa consœur pour pouvoir mieux ausculter son visage sous toutes les coutures. La blessure ne semblait pas gravissime, rien qui ne nécessite un brachium emendo que Fiona n’aurait de toute façon pas été certaine de réussir à lancer. Même les adultes pouvaient se tromper et supprimer purement et simplement l’os lorsqu’ils s’y essayaient, alors ce n’était pas avec ses six pauvres années d’études au compteur que Fiona aurait pu réussir à rivaliser. Et elle se serait bien gardée de faire endurer la repousse d’un os à sa sœur. Notamment celui du nez qui restait l’un des endroits les plus sensible du corps humain. Lorsqu’elle eu finit de juger la situation en soupesant toutes les alternatives qui s’offraient à elle, Fiona se décida enfin à lâcher le visage de sa sœur pour sortir sa baguette de la poche intérieure de sa cape de sorcière. Un instant son esprit s’égara au contact doux du velours sous ses doigts, ses yeux se tournèrent vers le jeu qui avait reprit de plus belle en contrebas tandis que sa main se refermait sur sa baguette de frêne. Elvira gigota à ses côtés, comme dans l’espoir d’arrêter le sang qui s’écoulait de son nez blessé, ce qui ramena Fiona dans l’instant présent.

« — Ne bouge pas. »

L’instant d’après la sixième année formula un Epiksey en mettant les bonnes intonations aux bons endroits. Lorsque le saignement s’arrêta enfin, l’aînée baissa rapidement sa baguette n’aimant guère garder cette dernière braquée sur sa sœur. Merlin seul savait qu’un accident pouvait vite arriver.

« — Tu comptes les rejoindre tout de suite ? Tu devrais prendre le temps de te remettre de tes émotions, quand même. »

En rengainant sa baguette dans la doublure de sa cape, Fiona profita de l’occasion pour sortir un mouchoir propre de la poche de son gilet en laine. « Tient. » Elle fit mine de le tendre à sa sœur, plus pour que celle-ci puisse le voir et constater qu’il ne s’agissait là que d’un simple morceau de tissu, mais sans même attendre qu’Elvi s’en empare Fiona commença à éponger le menton de sa cadette. Lorsque la poufsouffle sentit les doigts de sa sœur se refermer sur les siens pour prendre le relaie, elle se débrouilla pour en sortir un second de sa poche extérieure, elle dégaina à nouveau sa baguette et lança un Aqua Eructo pour humidifier le mouchoir propre. Un fin jet d’eau sortit de l’extrémité de sa baguette qu’elle reposa finalement sur ses cuisses tout en soulevant ses pieds sur leurs pointes pour éviter au morceau de bois de glisser au sol. L’instant d’après elle s'était de nouveau retournée vers sa sœur pour essayer d’effacer les traînées rougeâtres laissées par le sang sur son visage.

« — Franchement. Ce n’est pas si compliqué de faire attention quand même, si ? Maugréa-t-elle dans sa barbe sans vraiment attendre une réponse de la serdaigle. Et si tu tombais de ton balai un jour ? Et si tu finissais à l’infirmerie ? Ou pire : infirme tout court. La magie fait des miracles de nos jours, mais tout de même. »
La Poufsouffle saupoudra le tout d’un regard noir qu’on lui connaissait très peu, avant de soupirer comme si elle jetait l’éponge finalement.

« — Recurvite. »

Enième sort incanté, celui-là dans l’espoir de remettre un peu d’ordre dans les vêtements tâchés.

« — Penses un peu à papa et maman, ils se feraient un sang d’encre s’il apprenaient ce qu’il vient de se passer. Et mon petit cœur tendre ? Et Nathan ? Ne m’oblige pas à lui demander de te passer un savon pour m’assurer que tu seras un peu plus vigilante la prochaine fois. Nouveau soupir. Vous faites peut-être partis de la même équipe mais sur le terrain la couleur du blason na plus grande importance. S’il te plait, fais attention. »

Fiona marqua une pause, glissant le mouchoir humidifié dans la main libre de sa sœur et détournant son regard bleu vers l’action qui se jouait autour des anneaux. Un point venait d’être marqué, Fiona n’était pas bien sur de s’il l’avait été par l’équipe de sa sœur ou par ses adversaires. En repensant à toute cette histoire, à la peur qui lui avait étreint les sens lorsqu’elle avait vu l’accident se produire aujourd'hui, à l’air déconfit et désolé de sa sœur lorsqu’elle l’avait rejoint comme poussée par l’habitude… Tout cela lui rappelait tellement de souvenirs de leur jeunesse partagée qu’elle aurait presque pu en sentir les larmes lui monter par pure élan nostalgique. Fiona haussa les épaules pour s'en défaire.

« — C’est drôle, ça me rappelle quand on étais petites. Epiksey est le premier sort que j’ai demandé à maman de m’apprendre, parce que j’en avais marre de te voir rentrer chaque semaine avec un nouveau bobo à rajouter à ton palmarès d’aventurière intrépide. Parfois le bon vieux temps me manque. Tu te rappelles quand tu t’étais écorchée les deux genoux en te battant avec le chien hargneux d’un voisin ? Il devait bien faire deux fois ton poids à l’époque… Quelle sale bête. »

Un instant Fiona cru que sa sœur voulait couper court à la discussion en se relevant, aussi l'attrapa-t-elle par le bras par automatisme.

« — Tu t'en vas déjà ? Suis-je d'aussi mauvaise compagnie ? Tu peux bien t'attarder dix minutes avec ta grande sœur. Tes coéquipiers réussiront à se passer de tes services une seconde. Tu es blessée je te rappelle. Fiona se mordilla la lèvre inférieure, signe de vulnérabilité chez elle. Puis cela doit bien faire une semaine qu'on n'a pas pu se parler tranquillement, ajouta-t-elle pour enfoncer le clou. Je ne mords pas quand même, du moins pas aux dernière nouvelles. »

Et voilà, ses mauvaises habitudes reprenaient le dessus. Fiona recommençait ses monologues dans l'unique but de murer le silence et de cacher son malaise. Elle qui d'ordinaire était si calme et silencieuse. La poufsouffle croisa les bras en gonflant les joues comme pour exprimer qu'elle boudait, avec un soupçon de théâtralité. Mais l'air qu'affichait sa sœurette réussit rapidement à la dérider. A la faire rire, même, un peu.