jalousie mordante x miach ogden

venetia avait l'habitude de recevoir du courrier régulièrement. ses parents en étaient la plupart du temps les expéditeurs. certes, leurs lettres n'avaient rien de très chaleureuses ou aimantes, puisqu'ils prenaient surtout la peine de s'informer de l'avancée de ses études et des louanges que l'on lui chantait. cependant, venetia ne se plaignait guère de leur répondre. cela lui faisait passer un peu le temps, et lui permettait de fuir la cohue et le capharnaüm des couloirs remplis à presque toutes heures. de temps à autre, vee recevait quelques journaux, ou bien même des lettres de familles aussi réputées que la sienne, qui souvent s'avéraient provenir d'envois groupés.

la lettre que echo lui apporta ce matin-là faisait partie de ce dernier groupe. venetia le comprit en avisant les autres élèves qui semblaient avoir reçu la même missive. elle ouvrit alors sans réellement d'impatience, puis la lut d'un œil distrait, jusqu'à ce que les mots s'impriment en lettres brûlantes sur sa rétine et dans son esprit. les fiançailles de miach venaient d'être annoncées, le liant à jamais à lexie rowle, que vee connaissait sans pour autant vraiment l'apprécier. mais en réalité, ce n'était pas tant l'identité même de la fiancée qui la dérangeait, mais plutôt le fait qu'elle-même n'avait pas été choisie par la famille ogden. venetia avait bien du mal à se l'avouer, mais miach lui plaisait un peu plus que de raison. elle n'aurait pas dû attacher tant d'importance à ce dernier, mais son cœur ne semblait pas particulièrement vouloir faire des efforts pour suivre les mots que son esprit lui dictait. de plus, venetia était bien assez intelligente pour savoir que miach était loin de porter un regard identique au sien sur elle. elle n'était que la cadette de xene, une bonne amie peut-être, mais rien de plus. certes, c'était toujours mieux que la mioche encombrante qu'elle avait dû représenter plus jeune, lorsqu'elle courait après leur compagnie lors des soirées mondaines, mais elle aurait espéré un peu plus que cela.

la nouvelle venait d'être publiquement annoncée. venetia ne savait pas bien ce que pouvait en penser les principaux concernés, mais dans son cas, son humeur avait tout bonnement fait un bon vers l'irritation, et ce pour la journée, voire même plus, si son agacement venait à perdurer. elle repoussa son assiette en pinçant les lèvres. elle se soucia peu du regard intrigué de l'élève assis non loin d'elle lorsqu'il la vit se lever avec raideur et s'éloigner à grandes enjambées. venetia espérait simplement que xene n'était pas dans le coin. elle le connaissait assez pour savoir qu'il comprendrait en une demie seconde à peine que quelque chose venait d'anéantir le peu de bonne humeur quotidienne qu'elle pouvait avoir. elle quitta la grande salle, ses affaires soigneusement rangées dans le sac qu'elle pressait contre son flanc droit. elle emprunta les couloirs aussi vite qu'elle le pouvait, priant pour ne croiser aucun élément perturbateur sur son chemin jusqu'à la bibliothèque, où elle pourrait tenter de noyer sa rancœur dans les livres.

bien mal lui en prit de l'avoir autant espéré. quelques centaines de mètres plus loin, elle faillit foncer tout droit dans le torse de miach, qu'elle évita in-expremis en se déportant sur le côté. sa logique avait beau savoir qu'il n'y était pour rien dans ce choix déplaisant, les mots s'échappèrent trop vite de sa bouche. « oh par salazar, il ne manquait plus que lui... » au moins ses réflexes l'aidèrent-ils à le prononcer aussi bas que possible, sans que vee ne sache si le jeune homme avait eu l'occasion de les entendre. elle maudit son idiotie d'avoir parler sans réfléchir, chose inhabituelle pour elle qui avait justement appris à taire ses pensées les plus spontanées. « miach, reprit-elle alors pour le saluer aussi poliment que son agacement le lui permettait. toutes mes félicitations. » cela n'avait rien de très sincère, malgré tous les efforts que vee aurait pu faire. aussi prit-elle la peine d'y joindre un infime sourire, qu'elle savait loin d'être bien convaincant. actuellement, elle le maudissait autant qu'elle pouvait le dévorer des yeux aussi discrètement que possible. était-elle en droit de le blâmer pour cet attrait qu'elle ne pouvait contenir envers lui ?

Depuis plusieurs jours, Miach était morose. Personne ne s’en souciait réellement, en vérité. Le fait était que Miach avait toujours l’air morose. C’était ainsi qu’il était parvenu à masquer ses émotions. Revêtir un masque de froideur et d’indifférence en toute circonstance. Pourtant, les bons observateurs avaient remarqué quelques changements dans le comportement du jeune Ogden. Il ne provoquait plus les nés-moldus au détour des couloirs. Il avait perdu quelque peu de sa superbe et le regard qu’il portait sur ses camardes n’était plus tout à fait le même. Toujours ce même désintérêt et ce même mépris, mais il avait perdu un peu de son arrogance.

Eridan et Lucie lui avaient posé des questions. Miach y avait répondu évasivement, refusant d’entrer dans les détails. En parler, prononcer les mots, rendrait la chose beaucoup trop concrète. Même cette insupportable Hayley Skeeter avait remarqué que quelque chose clochait et, en fouineuse professionnelle, semblait décidée à harceler Miach jusqu’à lui tirer les vers du nez … elle allait surtout finir par recevoir un sortilège en pleine figue, songeait Miach.

Mais Skeeter n’aurait pas à chercher longuement l’origine de l’humeur maussade du Serpentard. Le courrier du matin se chargerait de répondre à ses interrogations. Miach avait rapidement remarqué que tous les élèves de sang-purs avaient reçu la même missive. Tous sauf lui. Et Lexie. Il avait compris aussitôt. C’était logique. C’était attendu. Une semaine seulement après avoir informé leurs enfants, les familles Rowle et Ogden envoyaient les faire-part de fiançailles de Lexie et Miach.

Un coup d’œil par-dessus l’épaule de Lucie, assise à ses côtés, confirma ses craintes. Dans quelques secondes, la rumeur allait commencer à gronder, en particulier à la table des Serpentards, où les élèves de sangs-pur étaient les plus nombreux.

Sans demander son reste, Miach quitta sa place. Des regards commençaient à converger vers lui. Des chuchotements commençaient à s’élever. Par le Samildanach, il fallait qu’il quitte les lieux.

C’est le cœur prêt à imploser dans sa poitrine et les mains tremblantes qu’il quitta enfin la grande salle, le dos raide, les lèvres pincées, hésitant entre se mettre à hurler ou à pleurer. Mais l’éducation des Ogden ne lui permettant ni l’un ni l’autre, il se contenta de parcourir les couloirs déserts, incapable de trouver un but à ses pas, incapable de réfléchir à quoi que ce soit. Seule cette idée tournait encore et encore dans sa tête … Il allait épouser Lexie rowle. C’était officiel, désormais. Acté. Irrévocable. Et l’idée était encore bien trop immonde pour qu’il puisse l’intégrer.

Il ne remarqua Venetia que lorsqu’elle manqua de lui rentrer dedans. Miach sursauta, cliqua des yeux, comme s’il sortait d’une espèce de transe. Il avait marché sans faire attention à quoi que ce soit et s’étonna de se trouver au quatrième étage.

« oh par salazar, il ne manquait plus que lui... » marmonna Venetia si bas que Miach n’était pas certain d’avoir bien entendu.

Venetia le salua, mais, au lieu du ton amical auquel Miach était habitué, ses mots étaient aussi froids que la neige qui avait commencé à tomber sur le parc.

« Toutes mes félicitations. » poursuivit-elle.

Pourtant, il n’y avait rien, ni dans la musique de ses mots, ni dans l’expression de son visage, qui trahisse la moindre joie. Miach, cependant, n’y fit pas réellement attention. Ces trois simples mots semblèrent le frapper en plein visage, tel un violent uppercut. Le masque se fissura, les lèvres se pincèrent encore, ne laissant plus paraitre qu’une fine ligne de désespoir, le regard s’assombrit.

Inspirer. Expirer. Surtout, ne pas craquer.
Inspirer. Expirer.
Se réjouir.

Les lèvres de desserrèrent quelque peu, le visage se détendit.

« Je vois que l’annonce est officielle … les nouvelles vont vite, chez les sangs-purs … » parvint-il à répondre d’une voix tendue.

« Merci. » souffla-t-il, incapable de parler d’avantage sans que sa voix ne se brise.